Lorsque j’ai vu sur France2, le 17 mai dernier, l’émission de « complément d’enquête » titrée « Quand la Médecine se trompe > Qui est le Docteur Delajoue?« , mes principes de rigueur et de respect des règles ont été salement secoués. Je vous recommande de visionner le reportage sur lequel je vais tenter de donner mon avis. Regardez ici l’émission de France2, « Complément d’Enquête », du 17 mai 2010 (attention, le téléchargement peut être un peu long).
Ce document est une plaidoirie à charge incroyable! Lorsque les médias se déchaînent!
On peut imaginer que la recherche du scoop, la quête de l’information avant la concurrence amènent parfois à quelques écarts. Ces erreurs compréhensibles n’en sont pas pour autant excusables. On peut, en effet, comprendre que la précipitation, si mauvaise conseillère, amène l’enquêteur et le journaliste à commettre des impairs, à ne pas tout vérifier dans les moindres détails, à ne pas croiser les informations, à ne pas contacter la contre-partie pour tester et contrôler. On peut imaginer qu’à l’ère du « tout, tout de suite » une course effrénée à la visibilité génère des situations où finalement l’information n’existe pas, tout simplement parce qu’elle est fausse.
Les exemples ne manquent pas pour illustrer ce propos de course à la visibilité. C’est à celui qui publiera l’information qui sera ensuite reprise par tant de bloggers, twitterers, journalistes, etc : l’iran et ses émeutes, l’iPhone4 volé et publié dans un e-journal bien connu, notamment.
Revenons sur notre affaire : Johnny et Delajoue. Pour ce cas, il ne s’agit nullement de manque de temps et de précipitation. Il ne s’agit pas de produire une info à toute vitesse pour éviter qu’on se la fasse piquer. Non, non! Ici, il s’agit de préméditation. C’est un acte délibéré! Avec beaucoup de travail à la clé comme aime à le rappeler l’animateur.
Il est précisé que le médecin n’a pas souhaité répondre / participer à cette enquête! Quel accusé participe de bon cœur à un procès nord coréen ou à la justice d’une obscure dictature africaine? Qui accepte d’accréditer une réalité potentielle d’allégations proférées sans maîtriser le montage, sans contrôler la manière dont les informations sont communiquées? Qui se prête au jeu des bourreaux qui ont déjà leur ordre d’exécution en main? Si vous avez vu le reportage, la ténacité de l’enquêteur ne vous aura pas échappé : retour sur ses années de fac, retour sur ses débuts de carrière, … Rien ne lui a été épargné! Même pas les succès de ce médecin pour lesquels le reportage jette un tel discrédit global que le spectateur vient à se dire que ce médecin a vraiment du bol de ne pas l’avoir tué ce patient-là… Les faits sont égrainés, distillés avec beaucoup d’habileté. Pensez donc, ce médecin est si prompt au procès pour diffamation! Il faut faire attention tout de même. Tout est fait pour scénariser la présentation des faits sur la base de la peur du procès pour diffamation. C’est un exemple de manipulation. Car, enfin, si les faits sont réels, ils relèvent de la justice. Alors que celle-ci se mette au travail et tranche ce qui doit l’être, sans pression, sans manipulation, sans demande de lynchage de la « rue ». Ce temps est révolu. Nous n’en voulons plus! Le temps où il était facile de tondre et d’exhiber dans la rue pour avoir soi-disant couché avec l’ennemi. Quelle honte! Les faits présentés sont peut-être vrais (sans doute, d’ailleurs) mais il sont présentés de manière unilatérale, partiale, subjective, avec une claire intention de nuire, de se venger. Le reportage aurait-il été commandé?
Allez, pour encourager les journalistes de France2 dans leurs futurs travaux, lisez, mes amis! Des news qui viennent de sortir dans l’Express. J’espère que vous allez y accorder autant de place que votre reportage en a eu sur votre antenne.
Allons plus loin : celui qui n’a pas accès aux médias, comment fait-il pour se défendre? Celui qui ne peut appeler Paris Match (ou autre, d’ailleurs)? Celui qui a moins d’amis? Et, en tout cas, pas un qui habite « rue du faubourg saint honoré à Paris »? Comment fait-il? Il pleure dans son coin? Parce qu’imaginons un instant que la somme de la charge soit réelle et avérée. Imaginons qu’au lieu d’un « people », cette affaire ait concerné un « pecus vulgus », autrement dit vous et moi. Pensez-vous que nous aurions fait la « une » des journaux? Pensez-vous qu’un journaliste chevronné de France2 se serait intéressé à notre cas? Pensez-vous que nous aurions bénéficié de l’énergie et de la mobilisation de tous ces médias? Non probablement pas! Quelles armes avons-nous pour nous faire entendre? La Justice ou la Révolution ?
Si les médias sont si prompts à crucifier celui qu’ils désignent comme coupable, il y a intérêt à être du bon côté de la barrière!! Ni du côté des victimes sans accès aux médias, ni du côté des bourreaux désignés comme tels par les vautours qui n’ont pas grand chose à se mettre sous la dent. Le passage est mince. Des accidents dans la vie, on peut tous en rencontrer. Des anecdotes, on peut tous en avoir collées sous nos chaussures. Des toute petites, des moins petites, des grosses et des énormes. Mais qui décide de la dimension qu’il faut leur accorder? Et puis quel est le maître étalon pour mesurer tout cela? Le code civil, le code pénal et tous les livres qui régissent notre République. Pas les individus qui sont chargés de l’information. Pas ceux qui n’ont que la fonction de rendre visibles les faits. Pas ceux dont le métier consiste à informer. Pourquoi? Tout simplement parce que l’éthique, la loyauté et la droiture sont sans doute les valeurs les plus foulées aux pieds de notre société. Tout simplement parce que ce sont des individus, des êtres humains, partiaux et injustes.
La responsabilité des médias et notre responsabilité à diffuser du contenu et de l’information sont énormes. Cette conscience doit nous animer lorsque nous impliquons des produits, des offres, des recommandations, des mises en garde, mais aussi, bien évidemment, des gens. Croisons les doigts pour que cela ne reste pas un vœu pieu.
Croisons les doigts aussi pour que nous puissions continuer d’être fiers des valeurs de notre pays, de notre justice et de ceux qui la rendent. Là aussi, espérons que cela soit encore possible.
Les tensions sur des sujets comme la justice et l’injustice sont telles qu’elles provoquent des contextes explosifs et mettent en danger la paix sociale. Alors, même si le sujet paraît dérisoire (celui qui est pris en exemple), il est néanmoins symptomatique de notre société. Vous trouverez sans mal tout un tas de sujets similaires…. qu’il faut aussi mettre en exergue et dénoncer.